Coup d’État manqué de Diarra : » J’ai perdu plusieurs oncles… Amadou Damaro a été le principal instigateur… »
En 1985, un coup d’État manqué du colonel Diarra Traoré contre le président feu Général Lansana Conté a secoué la Guinée. Cet événement a eu de lourdes conséquences, et plusieurs hauts fonctionnaires ainsi que des personnalités du pays en ont payé le prix. Le jeudi 12 décembre, notre rédaction a rencontré un parent de plusieurs victimes qui sont restées introuvables jusqu’à aujourd’hui, après plusieurs années d’absence.
Il s’agit d’Elhadj Amadou Thiam, un parent qui a perdu de nombreux proches et connaissances lors de cet événement douloureux.
« J’ai perdu plusieurs oncles, ainsi qu’un ami très cher. Les événements du 4 juillet 1985 me bouleversent encore. Je parle avec un cœur meurtri, plein de douleur et de regrets. Beaucoup de cadres, notamment des militaires, ont été injustement accusés d’être impliqués dans le coup d’État manqué du colonel Diarra Traoré. Selon certaines statistiques, entre 78 et 98 hauts gradés militaires ont été arrêtés, tous grades confondus. Le plus haut gradé était le colonel Idrissa Condé, qui avait dirigé le contingent guinéen durant la guerre en Angola. Le moins gradé parmi eux était un adjudant-chef, Thiam. Mais ce qui me révolte, c’est que je ne comprends pas comment un coup d’État peut être organisé entre 21h et 22h. En général, tous les coups d’État dans le monde ont lieu soit en pleine nuit, soit au petit matin. Comment peut-on prétendre avoir organisé un coup d’État entre 21h et 22h sous la direction du colonel Diarra Traoré ? En outre, lors des autres coups d’État, c’est le chef qui fait la déclaration officielle. Mais dans le cas du colonel Diarra Traoré, c’est l’honorable Amadou Damaro qui a fait la déclaration, via une cassette enregistrée par Diarra. Ce qui fait la différence, c’est que cette cassette a été diffusée à la télévision, ce qui a provoqué une réaction immédiate de la population. C’est alors que certains militaires, comme les capitaines Jean Traoré, Mamadou Baldé, et le commandant Sory, ont pris l’initiative de s’opposer à ce coup d’État. Ils se sont rebellés et, vers 4h du matin, ils ont réussi à maîtriser la situation. Damaro a été arrêté et, à partir de ce moment, la zone de Conakry était informée de l’échec du coup d’État. »
Il poursuit en expliquant que, après cet échec, la répression a été sévère : » Le lendemain, la rafle a commencé. Beaucoup d’officiers ont été arrêtés, de nombreuses familles ont été pillées et plusieurs commerces ont été détruits. Je me souviens d’un commerçant, Bala, dont la maison a été pillée. Il possédait 25 kg d’or, et il a fini sa vie dans la misère. Il vendait des pièces détachées. Des maisons ont été détruites, la première étant celle de l’honorable Ahmed Tidiane Traoré, ministre des Transports à l’époque. Les gens étaient particulièrement acharnés contre lui. On peut dire que cela a été un règlement de comptes. Tous les hauts gradés arrêtés ont été conduits à la prison civile de Kindia. Lorsque la cassette a été diffusée, tous les administrateurs territoriaux se sont retrouvés à Kindia, près de la prison, là où ils ont été arrêtés. Tout le monde sait comment les routes étaient à l’époque. Comment peut-on annoncer un coup d’État à 21h et, à 22h, être déjà à Kindia ? Les soldats présents à Kindia, qui étaient en formation, se sont levés pour défendre la situation. En 1985, Lansana Conté était très populaire, et des arrestations ont eu lieu jusque dans les zones intérieures du pays. Selon les statistiques, 98 officiers de haut rang, qui avaient combattu en Angola, ont été arrêtés. Je pense à Bah Ourou, qui dirigeait le bataillon blindé de la Guinée face aux Cubains en Angola. Peu importe les raisons pour lesquelles ces personnes ont été accusées, il aurait été judicieux de regarder leur passé et de leur accorder le pardon. »
Il conclut en évoquant la responsabilité d’Amadou Damaro dans cette affaire :
« Amadou Damaro a été le principal instigateur du coup d’État du colonel Diarra Traoré. Tout ce qui est arrivé aux victimes, que ce soit la perte de leurs commerces, de leurs maisons, ou de leurs proches, il en porte la responsabilité. Si Damaro n’avait pas engagé la diffusion de la cassette de Diarra, tout cela ne serait peut-être pas arrivé. En principe, ceux qui ont perdu leurs biens et leurs proches dans cette affaire devraient pouvoir poursuivre Damaro pour dommages et intérêts. Mais aujourd’hui, franchement, je ressens de la pitié pour lui avec ses problèmes à la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières). Certains ont été enfermés dans la prison de Kindia, d’autres ont été fusillés. »