Des progrès encourageants dans la lutte contre le VIH au Cameroun
Yaoundé – Nicole, 28 ans, habitant à Bertoua à l’Est du Cameroun, se souvient de ce jour de 2019 où son médecin du Centre Hospitalier Catholique de Batouri lui a annoncé qu’elle était positive au VIH. L’idée ne lui serait jamais venue car le bilan qu’elle avait effectué quelques jours auparavant était dû à un léger malaise qui l’a amenée à se faire consulter. À l’annonce de son statut, elle est restée figée, se demandant dans quelles conditions elle a pu être contaminée. Le choc passé, le médecin lui a prodigué des conseils et l’a mise sous traitement.
En 2022, le nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) au Cameroun était estimé à 480 232 et le nombre de nouveaux cas de VIH à 9 905. Le VIH reste un problème de santé publique majeur mais des progrès encourageants ont été enregistrés ces dernières années. Selon la dernière enquête démographique de santé 2018 (EDS), le taux de prévalence du VIH au sein de la population âgée de 15-64 ans est passé de 5,4 % en 2004, à 4,3% en 2011 et 2,7 % en 2018, soit une baisse de 50 % sur 14 ans.
Pour Dre Hamsatou Hadja, secrétaire permanente du Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS), ces progrès sont dus à une vision bien définie. « La lutte contre le VIH s’organise autour d’une vision nationale qui est de mettre fin au sida comme menace pour la santé publique d’ici à 2030, en réduisant les nouvelles infections, les décès et la stigmatisation liés au VIH ».
Le pays est en voie d’atteindre la cible mondiale « 95-95-95 » : 95 % des personnes atteintes de VIH connaissent leur statut, 95 % des personnes connaissant leur statut sont sous traitement et 95 % des personnes traitées avec des antiviraux ont une charge virale supprimée. Selon les résultats programmatiques du CNLS en 2022, ces taux sont respectivement de 95,8 %, 92,3 % et 89,2 % au Cameroun.
Parmi les facteurs concourant aux avancées figure l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le renforcement des capacités des acteurs a particulièrement fait ses preuves. En 2022, l’OMS a déployé des experts en VIH dans 36 structures sanitaires de 14 districts de santé des régions de l’Est et du Littoral. 199 personnels de santé ont été briefés sur les différentes thématiques de prise en charge du VIH, 20 872 personnes ont été dépistées, 590 testées positives dont 545 mises sous traitement, 4722 charges virales ont été prélevées dont 2188 supprimées sur 2735 résultats reçus.
Les prestataires sont plus outillés et se disent plus confiants dans la prise en charge des patients. Sergine Nyaviene, aide-soignante et Agent psycho-social au Centre de santé catholique de Tigaza, fait partie des professionnels de santé formés dans l’une des structures sanitaires appuyées par l’OMS. Cela fait sept ans qu’elle travaille avec les personnes vivant avec le VIH. Elle a choisi ce métier, armée d’une mission : « J’avais perdu beaucoup de gens dans ma maison et dans mon entourage des suites du sida. Cela m’a poussée à choisir une filière de santé. »
La formation améliore particulièrement l’approche du personnel et la qualité de la prise en charge du VIH. Le nombre de PVVIH suivies dans le centre de santé où travaille Sergine est passé de 65 patients en 2020, date de début de l’appui de l’OMS, à 158 en octobre 2023. « J’en ai beaucoup appris et j’arrive à éclairer mes patients. Par exemple, beaucoup ne savaient pas qu’on pouvait vivre dans la même maison qu’une personne vivant avec le VIH, manger ensemble et dormir dans un même lit, sans se faire contaminer. Ou encore qu’il est possible pour une mère séropositive de continuer à allaiter son enfant en toute sécurité. »
Dans le cadre de son appui continu au pays, l’OMS accompagne le développement et l’extension des approches de différenciation des services VIH centrés sur la personne. « Une des politiques de notre Organisation est de combattre les inégalités qui entravent l’élimination du VIH, c’est pourquoi les populations clés et les déplacés internes constituent une cible prioritaire pour nous. Ces populations vulnérables n’ont pas souvent accès à des services adéquats pour le VIH », explique le Dr Gilbert Tchatchoua, expert VIH pour l’accélération de l’accès aux services VIH/hépatites et IST au bureau de l’OMS au Cameroun. En 2022, 1183 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et 1944 Travailleuses de sexe (TS) ont ainsi bénéficié du dépistage du VIH et 190 HSH et 245 TS mis sous traitement ARV. 326 déplacés internes ont été dépistés, 30 testés positifs et tous mis sous traitement.
Dans la prise en charge du VIH, il demeure toutefois un défi de taille qui est le tabou associé à la discrimination autour de la maladie. Pour briser ce tabou Dr Tchatchoua relève qu’il faut « renforcer la sensibilisation auprès des communautés afin qu’elles comprennent que le VIH est une maladie comme les autres qui nécessite toutefois un suivi médical. Les communautés doivent être au centre de tout et nous ne pourrons atteindre l’objectif de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici à 2030 que si les communautés à la base sont fortement impliquées. »
Nicole est bien entourée et conseillée. « Ma mère est informée de mon état et elle m’encourage sans cesse. Le personnel de santé aussi me donne des conseils pendant les rendez-vous que je respecte toujours. »
À Bertoua, Nicole est à présent mère de trois enfants sains nés sans VIH et continue à suivre son traitement à la lettre. « Je n’ai plus ressenti de malaises. Je mène une vie normale en tant que coiffeuse, et je choisis de vivre positivement. Je conseille aussi mes amis à se faire dépister et s’ils sont positifs, de se mettre sous traitement pour préserver leur vie. »