TOUT COMPRENDRE – Sida: comment un troisième patient a pu guérir du VIH
Le troisième à guérir du VIH. Les chercheurs du consortium IciStem, dont fait partie une équipe de l’Institut Pasteur, ont révélé ce lundi un nouveau cas de guérison du VIH après une greffe de moelle osseuse. Celui qui est appelé le « patient de Düsseldorf » ne présente plus de trace du virus dans son organisme quatre ans après le traitement, indiquent des travaux publiés dans Nature Medicine.
Seulement deux cas de guérison similaires ont été décrits jusqu’à présent dans des publications scientifiques: le patient de Berlin en 2009 et le patient de Londres en 2019.
· Quel traitement ce patient a-t-il reçu?
Tout commence en 2008, quand une équipe médicale de Düsseldorf (Allemagne) diagnostique un patient pour une infection VIH. L’homme commence en 2010 un traitement antirétroviral « qui lui permet de contrôler l’infection et de réduire la quantité de virus à des niveaux indétectables dans le sang, comme la plupart des personnes sous traitement », souligne l’Institut Pasteur.
Mais en 2011, on diagnostique chez ce patient une leucémie, « c’est-à-dire un cancer des cellules du système immunitaire localisé dans la moelle osseuse ». Il est dans un premier temps traité par une chimiothérapie mais doit recevoir en 2013 une greffe de cellules souches. « Un donneur portant la mutation CCR5 delta-32 » est alors recherché, car cette mutation est connue pour empêcher l’entrée du VIH dans les cellules.
« On sait que le virus du VIH a pour cible les cellules du système immunitaire », explique le virologue Asier Sáez-Cirión co-auteur de l’étude. Or « lors d’une greffe de moelle osseuse, les cellules immunitaires du patient sont ainsi remplacées intégralement par celles du donneur, ce qui permet de faire disparaître l’immense majorité des cellules infectées. »
En 2018, l’équipe médicale ne détecte plus dans le corps du patient la présence du VIH, ce dernier arrête donc son traitement antirétroviral contre le virus, même s’il reste sous surveillance. Et 44 mois plus tard, toujours aucune trace du virus n’a été retrouvée dans ses tissus analysés.
« Même si nous n’avons pas pu analyser tous les tissus du patient pour formellement écarter la présence du VIH dans l’organisme, ces résultats indiquent que le système immunitaire n’a pas détecté le virus après l’interruption du traitement », précise Asier Sáez-Cirión.
· Quel est le mécanisme derrière cette guérison?
Le patient étudié a reçu des dons de cellules souches avant de guérir du VIH, comportant une mutation de la molécule CCR5. C’est cette dernière qui permet l’entrée du VIH dans les cellules.
« Située à la surface des globules blancs, CCR5 régule les réponses immunitaires de l’hôte contre les pathogènes », explique l’Inserm, « mais, victime de son succès, elle sert également d’ancrage au VIH pour infecter les cellules immunitaires, contribuant ainsi au développement du Sida ».
Toutefois quelques personnes, moins de 1% de la population mondiale, possèdent une mutation de ce gène: la mutation CCR5 delta 32, qui « est connue pour empêcher l’entrée du VIH dans les cellules et donc protéger de l’infection », écrit l’Institut Pasteur.
Le patient de Düsseldorf a reçu une greffe avec cette mutation, comme le patient de Berlin et celui de Londres avant lui, à la suite desquelles ils ont éliminé le VIH.
· On a donc trouvé un traitement sûr contre le VIH?
Les procédures de greffe de cellules souches restent toutefois des exceptions. Dans les trois cas de rémissions décrits, elles ont été lancées parce que les patients souffraient « d’une maladie hématologique » pour laquelle « aucune autre alternative thérapeutique n’existe », explique l’Institut Pasteur. Autrement dit, ce traitement n’a pas été lancé pour lutter contre le VIH mais contre une autre maladie.