Recompositions politiques en Guinée : Alliances stratégiques ou opportunisme calculé ?
L’observation de la scène politique guinéenne devient de plus en plus fascinante et quelque peu amusante, réservant des surprises à ceux qui ne perçoivent jamais les signes avant-coureurs. En tout cas, comme on pouvait s’y attendre au vu de faits antérieurs évidents, le rapprochement entre le CNRD et l’UFR de Sidya Touré se précise davantage, après qu’une bonne partie de l’Union dite sacrée a également emprunté le même chemin. On serait tenté de penser que les acteurs du CNRD ne sont pas aussi novices en politique qu’on le supposait au départ, à moins que le coup de pouce stratégique du Premier ministre Amadou Oury Bah, un autre animal politique et fin tacticien, n’ait joué un rôle majeur dans cette évolution.
Même en matière de communication sur les réseaux sociaux, le CNRD a réussi à détourner habilement un blogueur influent de l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, basé au Sénégal. En attendant que, à son tour, l’UFDG parvienne, dans un sens contraire, à ramener vers elle deux blogueurs de moindre gabarit du RPG/Arc-en-ciel, qui semblent déjà bien disposés à cet égard plus que le parti de Cellou Dalein Diallo lui-même. Leur communication, sous le prétexte d’une alliance pourtant contre nature, le prouve suffisamment. Et ce n’est pas l’UFDG, éternel adversaire du RPG/Arc-en-ciel, qui se gênerait d’accueillir ces deux blogueurs après en avoir perdu un, au moment où elle s’y attendait le moins.
Du côté du RPG/Arc-en-ciel, justement, le resserrement des rangs n’est pas aussi évident. En effet, le parti se divise entre ceux qui soutiennent l’alliance avec l’UFDG, l’ancien adversaire qui, au départ, a applaudi le coup d’État contre leur président, Alpha Condé, avant de se raviser, et ceux qui estiment que, tant qu’à choisir, il vaudrait mieux soutenir le CNRD — tout sauf Cellou Dalein Diallo, en somme. C’est la position de certains militants et cadres de la formation politique, bien que minoritaires.
Tout cet embrouillamini dans la classe politique pourrait restructurer le paysage politique guinéen, avec des ramifications importantes pour les futures stratégies de campagne en vue des prochaines élections.
Par ailleurs, l’offensive tous azimuts actuelle des éléments du CNRD vers Kankan, Labé et la région forestière laisse à penser qu’une redéfinition territoriale des enjeux politiques est en cours. Cette dynamique soulève la question de savoir qui bénéficiera réellement du rendez-vous crucial du 31 décembre 2024, date initialement prévue pour la fin de la transition. L’UFDG et le RPG/Arc-en-ciel réussiront ils à faire quitter les militaires du pouvoir à cette date, ou ces derniers obtiendront-ils un nouveau sursis (un autre bonus), pour prolonger la transition ?
En attendant, le jeu des adeptes de la « politique du tube digestif » prête à sourire, illustrant une réalité où des intérêts purement matériels semblent primer sur les idéaux politiques et les véritables aspirations des masses populaires.
En fin de compte, tout ne se résumerait-il qu’à des intérêts bassement pécuniaires, au détriment d’une vision collective pour l’avenir du pays ? Ce spectacle de recompositions et de manœuvres invite à une réflexion plus profonde sur l’essence même des engagements politiques et la sincérité des alliances qui se forment.
Abou Maco